Le rappel à l’ordre des organismes notifiés : leur obligation de vigilance leur impose de prendre des mesures en présence d’indices de non-conformité du dispositif médical

Dans cette affaire très médiatisée, l’organisme notifié d’une société qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, avait dans le cadre de ses missions procédé à l’évaluation du système de qualité ainsi qu’à l’examen du dossier de conception de ces implants. A cette fin, l’ON a procédé à des inspections et en a également confié la réalisation à un sous-traitant.

A la suite d’un contrôle, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d’un gel de silicone différent du gel figurant dans le dossier de marquage CE. En raison du risque de rupture précoce des implants qui en résultait et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français a recommandé à l’ensemble des femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à l’explantation de ceux-ci.

Plusieurs distributeurs de ces produits et plusieurs centaines de ces femmes, après avoir demandé réparation au fabricant ont agi en responsabilité et indemnisation contre l’ON et son sous-traitant.

Le 2 juillet 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté les demandes. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt.

La Cour de cassation s’est interrogée sur les conditions auxquelles est subordonnée l’obligation pour un organisme notifié de procéder au contrôle des achats de matières premières d’un fabricant d’implants mammaires et à des inspections inopinées de ce fabricant, et de tirer toutes conséquences des incohérences éventuellement révélées par ce contrôle.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.

Après avoir rappelé une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 février 2017 (Schmitt, C-219/15) selon laquelle l’organisme notifié n’est pas tenu, de manière générale, de procéder à des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs médicaux ou d’examiner les documents commerciaux du fabricant, elle estime qu’il est toutefois soumis à une obligation de vigilance. Cette obligation de vigilance, en présence d’indices laissant supposer qu’un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences essentielles de la Directive 93/42, l’ON a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires au respect des obligations qui lui incombent en application de cette directive.

A l’aube de l’entrée en vigueur de la nouvelle règlementation sur les dispositifs médicaux responsabilisant davantage les organismes notifiés, cet arrêt apparait comme une mise en garde.

La responsabilité de l’organisme notifié est importante à l’égard de la santé publique et des utilisateurs des dispositifs médicaux. Ses prérogatives de puissance publique qui résultent de sa mission de service public lui imposent de prendre ainsi toutes mesures nécessaires garantissant la sécurité de ces derniers lorsqu’il est avéré que le dispositif ne respecte pas les exigences essentielles… encore faut-il que l’usage de ces prérogatives soit proportionné.

[Arrêt n° 610 du 10 octobre 2018 (15-26.093) – Cour de cassation – Première chambre civile –> https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/610_10_40402.html]

[Arrêt n° 615 du 10 octobre 2018 (16-19.430) – Cour de cassation – Première chambre civile –> https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/615_10_40403.html]

[Arrêt n°616 du 10 octobre 2018 (17-14.401) – Cour de cassation – Première chambre civile –> https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/616_10_40404.html]

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