L’article 53 du projet de loi de modernisation de notre système de santé (PLMSS) prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives visant à adapter la législation relative aux recherches biomédicales au Règlement (UE) n°536/2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.
Le PLMSS n’a pas encore été examiné par le Sénat et la loi de modernisation de notre système de santé n’a pas encore adoptée. Le Gouvernement n’est donc pas encore officiellement habilité à prendre une telle ordonnance. Pour autant, le ministère de la santé met déjà en consultation ledit projet d’ordonnance !
Pourquoi un tel empressement de la part de la DGS ? Empressement que les sénateurs sauront d’ailleurs apprécier !
La réponse à cette question est loin d’être évidente notamment lorsque l’on consulte le projet d’ordonnance ([Pour télécharger le projet d’ordonnance –> doctrav-ordonnance_19-05-2015.pdf]).
Celui-ci propose de modestes adaptations dénotant un manque d’ambition politique navrant pour un secteur stratégique pourtant en crise.
Nous sommes loin de la refonte que nous pourrions espérer pour notre système législatif encadrant la recherche clinique à l’aune de l’entrée en application du Règlement (UE) n°536/2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.
La simplification espérée par un certain nombre d’acteurs, voire pour ainsi dire de tous les acteurs de la recherche clinique, [telle que soulignée par l’IGAS –> https://www.delsolavocats.com/Rapport-de-l-IGAS-sur-l-evolution-des-CPP-apres-la-loi-Jarde-du-5-mars-2012], et nécessitant une remise à plat de notre législation n’est résolument pas d’actualité et tout le secteur doit s’en inquiéter.
Le projet d’ordonnance est donc particulièrement peu ambitieux et cette anticipation reste assez incompréhensible.
L’article 53 prévoit en effet que l’ordonnance doit être prise dans un délai de 6 mois suivant la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé. Autrement dit, et si l’on considère que cette loi sera promulguée fin 2015, le Gouvernement aura jusqu’en mai/juin 2016 pour prendre cette ordonnance.
Il aurait été préférable de profiter du temps restant jusqu’à l’entrée en vigueur du Règlement (UE) n°536/2014, soit un peu plus de 12 mois, pour véritablement repenser le mode de fonctionnement des CPP afin qu’ils soient en mesure de respecter les délais imposés par le Règlement et traiter les problèmes de fonctionnement ayant conduit certains d’entre eux à se mettre en grève il y a quelques mois.
L’ordonnance se contente de confirmer le principe de la désignation aléatoire des CPP mais en retirant à la future Commission Nationale des recherches impliquant la personne humaine la compétence de cette désignation. Pour autant, l’ordonnance ne prend pas le soin de préciser l’autorité qui sera chargée de ce « tirage au sort » !
Sur le fond, nous avons plus le sentiment que ce projet d’ordonnance vient rectifier quelques petites imperfections contenues dans la loi Jardé plutôt que de proposer de véritables adaptations de notre législation afin de faciliter la mise en œuvre de la réglementation européenne et ainsi accroître l’attractivité de la recherche clinique française.
Il sera d’ailleurs intéressant d’examiner l’articulation à venir entre la loi Huriet-Sérusclat, la loi Jardé, l’ordonnance et surtout la conformité de cet ensemble au Règlement ! Mais bon ! Laissons le soin aux personnes consultées d’éclairer la DGS sur ce point !
Sur la forme, nous pouvons regretter l’absence d’une véritable concertation préalable à la diffusion de ce projet d’ordonnance qui aurait permis d’écouter et de prendre en considération les aspirations des parties prenantes de la recherche clinique française et pas seulement les quelques destinataires de ce projet d’ordonnance. Mais peut-être s’agira-t-il d’une prochaine étape, ce qui pourrait expliquer cette anticipation vis-à-vis des débats parlementaires en cours ?
Dans le doute et si une réelle mise en perspective des enjeux de la recherche clinique française n’est pas programmée pour les mois à venir, que ceux qui se sentent concernés répondent à la consultation de la DGS.
Attention cependant, vous n’avez que jusqu’au 1er juillet 2015 pour faire parvenir vos remarques sur la boîte fonctionnelle : DGS-RBM@sante.gouv.fr avec l’objet « Consultation ordonnance RBM ».
L’Administration entendra, peut-être, mais écoutera-t-elle ?
Espérons que, dans un avenir proche, le ministère de la santé mette en œuvre des consultations publiques à l’image de celles initiées par la Commission européennes ([à titre d’illustration –> http://ec.europa.eu/justice/newsroom/contract/opinion/150609_en.htm]), où les opinions des diverses parties prenantes sont rendues publiques.
Une telle transparence concourt à la responsabilisation de notre Administration qui se doit alors de justifier ses choix vis-à-vis des opinions exprimées.
Une certaine idée de la démocratie qui ne semble pas encore être totalement partagée par certaines administrations françaises !