De l’applicabilité des dispositions de la « Loi anti-cadeaux » et de la « Transparence des liens d’intérêts » au secteur des médicaments vétérinaires

La chose aurait presque pu passer inaperçue ! Au beau milieu de la myriade d’articles de la Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt — publiée au Journal Officiel du 14 octobre 2014 –  l’article 48 vient insérer les articles L. 5141-13-1 et L. 5141-13-2 dans le Code de la santé publique (CSP).

Mais que peuvent bien apporter ces nouveaux articles ?

Le nouvel article L. 5141-13-1 du CSP « interdit le fait, pour les professionnels mentionnés à l’article L. 5143-2 [n.d.a : les pharmaciens titulaires d’une officine et les chefs des services de pharmacie et toxicologie des écoles nationales vétérinaires] et les groupements mentionnés à l’article L. 5143-6 [n.d.a : les groupements reconnus de producteurs, les groupements professionnels agricoles dont l’action concourt à l’organisation de la production animale et qui justifient d’un encadrement technique et sanitaire suffisant et d’une activité économique réelle d’une part, les groupements de défense sanitaire], pour les utilisateurs agréés mentionnés à l’article L. 5143-3 [n.d.a : les utilisateurs agréés pour la préparation extemporanée des aliments médicamenteux], pour les fabricants et les distributeurs d’aliments médicamenteux, ainsi que pour les associations qui les représentent, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par les entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 [n.d.a : les entreprises participant à la fabrication, l’importation, l’exportation et la distribution en gros de médicaments vétérinaires, la fabrication, l’importation et la distribution de médicaments soumis à des essais cliniques, ainsi que l’exploitation de médicaments vétérinaires]. Est également interdit le fait, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages. »

Comme un air de déjà vu ? Et bien oui ! Vous ne vous trompez pas…

Ce nouvel article L. 5141-13-1 du CSP ne constitue qu’une simple transposition de l’article L. 4113-6 du même Code. La fameuse « Loi anti-cadeaux » et son principe d’interdiction des avantages à certains membres des professions médicales est désormais transposée et applicable au secteur des médicaments vétérinaires.

Le mimétisme est tel que les alinéas suivants du nouvel article L. 5141-13-1 du CSP prévoient :

– l’applicabilité de l’interdiction générale aux étudiants se destinant aux professions de vétérinaire ou de pharmacien ainsi qu’aux associations les représentant ;
– une dérogation au principe général d’interdiction dans le cadre de conventions :
— ayant pour objet explicite et pour but réel des activités de recherche ou d’évaluation scientifique ; et
— relatives à l’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique.

Dans la lignée de l’article L. 4113-6 du CSP, la mise en œuvre des exceptions du nouvel article L. 5141-13-1 du CSP impliquent la soumission préalable des conventions concernées aux instances ordinales compétentes, à savoir celles des vétérinaires et des pharmaciens.

En toute hypothèse, un décret en Conseil d’Etat aura pour mission de déterminer les modalités d’application du nouvel article L. 5141-13-1 du CSP.

Le nouvel article L. 5141-13-2 du CSP, pour sa part, oblige désormais :

« I.– Les entreprises produisant ou commercialisant des médicaments vétérinaires ou assurant des prestations associées à ces produits [à] rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec :

1° Les professionnels mentionnés à l’article L. 5143-2 et les groupements mentionnés à l’article L. 5143-6, ainsi que les associations les représentant ;

2° Les étudiants se destinant à la profession de vétérinaire ou à la profession de pharmacien, ainsi que les associations les représentant ;

3° Les établissements d’enseignement supérieur assurant la formation de vétérinaires ;

4° Les établissements d’enseignement supérieur assurant la formation de pharmaciens ;

5° Les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits ou prestations mentionnés au premier alinéa du présent  I ;

6° Les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne ;

7° Les personnes morales autres que celles mentionnées aux 3° et 4° du présent I assurant la formation initiale ou continue des professionnels mentionnés à l’article L. 5143-2 et des groupements mentionnés à l’article L. 5143- 6 ou participant à cette formation ;

8° Les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance du médicament.

II. — Les entreprises mentionnées au I informent de l’existence de l’une de ces conventions le public bénéficiaire d’une formation ou d’un support de formation en application de cette convention.

III. — Elles rendent publics, au-delà d’un seuil fixé par décret, tous les avantages en nature ou en espèces qu’elles procurent, directement ou indirectement, aux personnes physiques et morales mentionnées au I. »

Là encore, la lettre du texte ne semble pas inconnue. Et pour cause !

Il s’agit, encore une fois, d’une simple transposition de l’article L. 1453-1 relatif aux conventions conclus et aux avantages consentis par les entreprises du secteur des produits de santé destinés à l’homme.

La seule nuance avec l’article L. 1453-1 du CSP semble résider dans le fait que le nouvel article L. 5141-13-2 impose aux entreprises produisant ou commercialisant des médicaments vétérinaires ou assurant des prestations associées à ces produits d’informer, de l’existence de l’une de ces conventions, le public bénéficiaire d’une formation ou d’un support de formation en application de cette convention.

Comme pour le nouvel article, L. 5141-13-1 du CSP, les conditions d’application de l’article L. 5141-13-2, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions, les conditions permettant de garantir le respect du secret des affaires et la confidentialité des travaux de recherche ou d’évaluation scientifique, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de ces informations seront fixées ultérieurement par décret.

Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, le nouvel article L. 5442-12 du CSP sanctionne :
– le non-respect de l’article L. 5141-13-1d’une amende de 37.500 euros pour les entreprises procurant des avantages interdits et de 4.500 euros pour les personnes les recevant ; et
– le non-respect de l’article L. 5141-13-2 par les entreprises d’une amende de 45.000 euros, et lorsque ces faits sont commis en état de récidive légale d’une peine d’emprisonnement de six mois et de 9 000 euros d’amende.

En l’absence des décrets d’application, ces nouveaux dispositifs applicables au secteur des médicaments vétérinaires semblent devoir, pour le moment, rester en sommeil. Les entreprises concernées doivent, en conséquence, mettre à profit le temps qui leur est offert pour se préparer au mieux.

Ainsi, prochainement, tout animal digne de ce nom pourra s’assurer que son vétérinaire ou son pharmacien préféré exerce son activité de manière indépendante vis-à-vis des entreprises produisant ou commercialisant des médicaments vétérinaires !

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