Investigations SCAC, choisir le bon cadre juridique !

Les investigations SCAC (Suivi Clinique Après Commercialisation) avec des procédures additionnelles non lourdes et non invasives sont soumises aux dispositions de l’article 74 du MDR.

investigations SCAC essai clinique x-ray

 

La DGS et l’ANSM ont publié un document daté du 21 mai 2021 présenté comme « la référence officielle nationale au regard de la classification et du process d’évaluation des investigations cliniques pour les dispositifs médicaux » et donc sensé aider les promoteurs d’investigations cliniques à déterminer le régime juridique applicable à chaque catégorie d’investigation qu’ils peuvent mener.

Un tableau propose ainsi de classifier les différentes investigations cliniques en précisant le régime juridique qui leur est applicable. Ce tableau est également présent dans l’avis à promoteur « Investigations cliniques de dispositifs médicaux relevant du règlement européen n°2017/745 ».

La publication de tels guides pour aider les promoteurs de recherches cliniques portant sur des dispositifs médicaux est louable, mais encore faut-il que de telle « référence officielle » soit respectueuse du droit européen !

Nous allons nous intéresser plus particulièrement au cas 4.1 présenté dans ces documents et qui correspond aux investigations SCAC avec des procédures additionnelles non lourdes et non invasives.

Les investigations SCAC ont pour finalité l’évaluation de la conformité d’un dispositif

Dans le tableau précité il est indiqué que le cas 4.1 (les investigations SCAC avec des procédures additionnelles qui ne sont ni invasives ni lourdes) entre dans le champ d’application de l’article 82 et doit donc être encadré par le régime juridique qui découle de cet article. Pourtant l’article 74 précise bien que les investigations SCAC disposent d’un régime et le définit : « L’article 62, paragraphe 4, points b) à k) et m), les articles 75, 76 et 77, l’article 80, paragraphe 5, et les dispositions pertinentes de l’annexe XV s’appliquent aux investigations SCAC. ».

Les investigations cliniques qui sont concernées par l’article 82 sont exclusivement celles qui sont conduites à d’autres fins que celles énumérées à l’article 62 paragraphe 1, à savoir celles qui ne viseraient pas à évaluer la conformité d’un dispositif médical.

Or, la finalité d’une investigation SCAC est bien « d’approfondir l’évaluation de la conformité d’un dispositif », ce qui s’inscrit bien dans la même finalité que celle mentionnée à l’article 62 à savoir l’évaluation de la conformité.

Une investigation SCAC ne peut donc pas être considérée comme une autre investigation clinique au sens de l’article 82.

Il découle de l’application du Règlement que le cas 4.1 devrait disparaître de la colonne « Autres IC (art. 82 RDM) » puisqu’il correspond à l’article 74.

Les investigations SCAC sont des investigations cliniques

La définition des « investigations SCAC » proposée par le Règlement n’est pas particulièrement éclairante et il ne nous est pas permis de déterminer si l’une des caractéristiques de ces investigations SCAC, notamment par rapport au suivi clinique après commercialisation (SCAC), est l’existence de procédures additionnelles à celles déjà menées dans des conditions normales d’utilisation du dispositif.

L’article 74, en définissant les investigations SCAC, ne s’intéresse pas aux éventuelles procédures additionnelles mais uniquement à l’objectif : approfondir l’évaluation d’un dispositif.

Comme les investigations SCAC demeurent avant toute chose des investigations cliniques, il convient de rappeler que ces dernières se définissent comme « toute investigation systématique impliquant un ou plusieurs participants humains destinée à évaluer la sécurité ou les performances d’un dispositif ».

Cette définition ne permet pas non plus de déterminer si une investigation clinique implique des procédures additionnelles ou une intervention particulière pour les participants.

Pour autant, nous pouvons nous accorder sur le fait qu’une investigation clinique est une recherche clinique.

Or, en matière de recherche clinique, les règles éthiques internationales exigent que des mesures spécifiques soient prévues afin de protéger les personnes participant à de telles recherches.

Nous pouvons cependant fortement regretter l’approximation de la définition du terme « investigation clinique » qui ne reprend pas les standards internationaux définissant une recherche clinique et notamment l’existence d’une « intervention sur l’être humain ».

Ainsi, le protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif à la recherche biomédicale précise bien qu’il « s’applique à l’ensemble des activités de recherche dans le domaine de la santé impliquant une intervention sur l’être humain » et que « le terme « intervention » comprend les interventions physiques, et toute autre intervention, dans la mesure où elle implique un risque pour la santé psychique de la personne concernée ».

L’existence d’une telle intervention sur l’être humain, justifiée par la recherche, nécessite un régime juridique protecteur et le respect des règles éthiques internationalement reconnues.

A contrario, en l’absence d’intervention sur l’être humain dans le cadre d’une recherche, il n’est pas nécessaire d’offrir à ces personne une protection particulière (en dehors de la protection de leurs données personnelles qui suit un autre régime).

A la lecture de la définition du terme « investigation clinique » proposé par le Règlement, nous pouvons fortement nous interroger sur l’existence d’un oubli. Compte tenu du régime juridique qui découle de cette définition, n’aurait-il pas été plus juste de la rédiger en ces termes : « toute investigation systématique impliquant une intervention sur un ou plusieurs participants humains destinée à évaluer la sécurité ou les performances d’un dispositif ; ». ?

Une telle définition, impliquant une « intervention » justifie pleinement la mise en place d’un régime juridique protecteur et un contrôle éthique et scientifique préalable.

Les investigations SCAC sont-elles toutes des investigations cliniques ?

A la lumière des principes juridique internationaux, nous pouvons donc estimer que les investigations cliniques impliquent une intervention sur l’être humain non justifiée par leur prise en charge normale.

Comment, dans ces conditions, considérer les investigations SCAC qui visent à approfondir l’évaluation d’un DM muni d’un marquage CE dans les limites de sa destination ?

A la lecture des dispositions de l’article 74, l’investigation SCAC est avant tout une investigation clinique et, comme nous l’avons développé précédemment, pourrait impliquer une intervention sur les participants.

Cette analyse pourrait être confortée par le fait que l’article 74 prévoit un régime spécifique (avis d’un comité d’éthique et information des Etats membres concernés) pour les investigations SCAC qui impliquent de soumettre le participant à des procédures additionnelles invasives ou lourdes.

Faut-il en déduire que toutes les investigations SCAC impliquent de respecter certaines dispositions encadrant les investigations cliniques, y compris lorsque des procédures additionnelles ne sont pas invasives ou qu’elles ne sont pas lourdes ?

Dans la logique des textes internationaux, en l’absence d’enjeux vis-à-vis de la protection des patients, compte tenu de procédures supplémentaires non invasives (absence d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne) et légères, le Règlement ne devrait pas prévoir de cadre juridique spécifique pour des investigations portant sur des dispositifs munis d’un marquage CE et utilisés dans leurs indications.

D’ailleurs, si le législateur avait véritablement voulu encadrer de manière non équivoque l’ensemble des investigations SCAC, le 1. de l’article 74 n’aurait-il pas dû être rédigé en ces termes :

« 1. Lorsqu’une investigation clinique doit être conduite afin d’approfondir l’évaluation d’un dispositif déjà muni du marquage CE, dans les limites de sa destination prévue en vertu de l’article 20, paragraphe 1 (ci-après dénommée «investigation SCAC»), l’article 62, paragraphe 4, points b) à k) et m), les articles 75, 76 et 77, l’article 80, paragraphe 5, et les dispositions pertinentes de l’annexe XV s’appliquent.

Lorsque l’investigation SCAC impliquerait de soumettre les participants à des procédures additionnelles à celles déjà menées dans des conditions normales d’utilisation du dispositif et que ces procédures supplémentaires sont invasives ou lourdes, le promoteur informe les États membres concernés au moins trente jours avant que l’investigation clinique ne commence, via le système électronique visé à l’article 73. Le promoteur y joint la documentation visée à l’annexe XV, chapitre II. »

Avec une telle rédaction l’interprétation de ces dispositions seraient nettement moins hypothétique !

Plus globalement, nous pouvons également regretter que la définition des « investigations cliniques » ne contienne aucune référence au caractère interventionnel de la recherche portant sur un dispositif médical. Cet « oubli » va soulever de nombreuses interrogations lors de la qualification de protocoles et n’offrira pas la sécurité juridique à laquelle pourrait s’attendre les promoteurs. 

Thomas Roche, avocat associé

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