Le Conseil d’Etat refuse d’annuler le décret et l’arrêté relatifs à la convention unique en matière de recherches interventionnelles à finalité commerciale

Le recours du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) contre le Décret n° 2016-1538 du 16 novembre 2016 et de l’Arrêté relatifs à la convention unique aurait pu passer inaperçu. (CE. 5 février 2018, n°406933)

En formant un recours pour excès de pouvoir aux fins d’annulation de ces textes, le CNOM contestait plus précisément la possibilité même pour le promoteur de verser des contreparties en sus et distinctes de la prise en charge des coûts et des surcoûts (i.e les frais relatifs à la mise en œuvre du protocole non liés à la prise en charge du patient ou du volontaire sain ainsi que des frais à liés à cette prise en charge.).

Le Conseil d’Etat a rejeté ce recours développant notamment les arguments suivants.

Le Conseil d’Etat estime tout d’abord que le législateur a expressément autorisé le versement de telles contreparties en prévoyant en outre à l’article L. 1122-1 6° du CSP, que la personne participant à la recherche est informée des modalités de versement des contreparties en sus de la prise en charge des frais supplémentaires liés à la recherche. En Haute juridiction rappelle que les contreparties avaient été définies lors des discussions parlementaires relatives à la loi de modernisation sociale comme « une forme d’intéressement collectif aux résultats de la recherche ainsi réalisée et sont convenues entre le promoteur de la recherche, l’établissement, la maison ou le centre de santé et le cas échéant, la structure tierce ».

Le CNOM invoquait en outre à l’appui de son recours les dispositions des articles législatifs suivants :

  • L’article L.4113-5 interdisant à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l’exercice de la profession de recevoir, en vertu d’une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l’activité professionnelle d’un membre de l’une des professions régies par le présent livre (professions médicales).
  • L’article L. 4113-6 relatif à l’interdiction pour certaines professions de santé et les associations les représentant de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.
    La Haute juridiction balaie ces arguments estimant que ces articles ne peuvent être utilement invoqués dans la mesure où les contreparties ne sont pas versées aux médecins investigateurs ou à leur équipe.

 

Le CNOM soutenait également que le Décret d’une part n’apportait aucune précision quant aux conditions de fonctionnement des structures tierces et d’utilisation des contreparties reçues et d’autre part méconnaissait le droit d’agir contre la structure tierce en réparation d’un fait fautif.

Le Conseil d’Etat réfute ces arguments estimant que le Décret précise suffisamment les conditions auxquelles doivent se conformer la structure tierce pour son fonctionnement afin de pouvoir recevoir des contreparties. Par ailleurs, aucune disposition ne fait obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la structure tierce pour les dommages qu’elles pourraient causer, le cas échéant sur l’article spécifique L. 1121-10 du CSP.

A la lecture de cet arrêt, nous restons un peu sur notre faim. Nous pouvons en effet regretter que le Conseil d’Etat n’ait pas été amené à s’interroger sur le traitement commercial et fiscal de ces « contreparties » et la cohérence du contenu des modèles de convention avec l’esprit du législateur sur cette « forme d’intéressement collectif ».

Peut-être en aura-t-il l’opportunité prochainement !

Lire la décision : CE. 5 février 2018, n°406933