Le déséquilibre de la balance bénéfice/risque ne permet pas d’autoriser une recherche biomédicale

S’il est une chose suffisamment rare pour être commentée, c’est bien une décision de justice relative à une recherche biomédicale, quand bien même cette décision émanerait d’une juridiction de première instance. 

Le Tribunal administratif de Paris, dans une décision n° 1401975/6-1 du 3 avril 2015, s’est prononcé sur une demande d’annulation d’une décision du Directeur général de l’ANSM ayant refusé l’autorisation d’une recherche biomédicale.

En l’espèce, la société requérante a sollicité une autorisation de recherche biomédicale auprès de l’ANSM conformément aux dispositions du Code de la santé publique pour un essai de phase II. L’ANSM a refusé de délivrer son autorisation au motif que « les garanties permettant d’assurer la sécurité des personnes susceptibles d’être incluses dans cette recherche ne sont pas apportées et le risque prévisible encouru par ces personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour elles ». Après avoir formé, sans succès, un recours gracieux à l’encontre de la décision de l’ANSM, la société requérante l’a contestée devant le Tribunal administratif de Paris. 

La société requérante soutient que la décision de refus de l’ANSM est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, la balance bénéfice/risque justifiant la poursuite de l’essai. 

Le tribunal administratif n’abonde pas dans le sens de la société requérante et en conclut au rejet de sa requête. 

En effet, le rapport entre le risque prévisible encouru par les personnes qui pourraient potentiellement être incluses dans la recherche biomédicale et le bénéfice escompté pour celles-ci ne justifie pas l’autorisation de cet essai. 

Le juge relève l’existence d’effets indésirables liés à l’utilisation du produit objet de la recherche tout en constatant que ces événements indésirables graves s’atténuent avec la baisse de la dose de produit administrée. 

Pour autant, le Tribunal considère que les essais cliniques menés à l’étranger, en cours au moment de l’instruction de la demande, quand bien-même les résultats seraient « rassurants », ne sont pas suffisants pour disposer de conclusions statistiquement significatives relativement aux risques auxquels sont exposées les personnes qui se prêtent à ces recherches. 

Concernant les bénéfices potentiels pour les personnes susceptibles de participer à cette recherche biomédicale, et après avoir souligné que l’efficacité du traitement de référence est limitée à un certain retardement des effets de la maladie dégénérative concernée, la décision relève l’existence de données fournies par le promoteur issues notamment d’études précliniques mais dont le nombre et la diversité des animaux utilisés étaient insuffisants pour permettre d’établir un effet positif de cette molécule dans la prise en charge de la sclérose latéral amyotrophique. 

De l’ensemble de ces éléments, le Tribunal en déduit que l’ANSM n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’à la date de la décision litigieuse, le rapport entre le risque prévisible encouru par les personnes qui participeraient à la recherche biomédicale et le bénéfice escompté pour ces personnes ne justifiait pas son autorisation. 

Dans ces conditions, l’ANSM se devait donc d’appliquer l’article L. 1121-2 du Code de la santé publique qui prévoit qu’ « aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur l’être humain […] si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l’intérêt de cette recherche ». 

Cette décision apporte un éclairage intéressant sur l’analyse judiciaire des éléments constituant la balance bénéfice/risque, qui, sans grande surprise ne s’écarte pas véritablement de celle opérée par l’autorité administrative qui est chargée, au terme de l’article R. 1123-29 du Code de la santé publique, de se prononcer au regard de la sécurité des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale. 

Il est en effet toujours plus rassurant de suivre l’avis scientifique d’un expert en sécurité !

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