L’interdiction de la publicité destinée au public des dispositifs médicaux remboursés : un cas d’école !

Voilà une nouveauté introduite par la loi relative à la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, (ou dite loi Bertrand) qui démontre, une fois encore, que la précipitation n’est pas l’amie d’une législation réussie.

Le nouvel article L. 5213-3 du CSP est rédigé en ces termes :

« Ne peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du public les dispositifs médicaux pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie, à l’exception des dispositifs médicaux présentant un faible risque pour la santé humaine dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »

L’appréhension de cette notion de « public » est essentielle pour connaître la portée de l’interdiction posée par cet article L. 5213-3 du CSP.

Que recouvre le terme « public » ? S’agit-il du « grand » public et notamment des consommateurs-patients ? Couvre-t-il les professionnels de santé ?

La lecture du nouveau Chapitre III encadrant la publicité des dispositifs médicaux ne permet pas de répondre clairement à cette question.

En effet, outre l’exception mentionnée ci-dessus concernant les dispositifs médicaux (a priori remboursés) présentant un faible risque pour la santé humaine et dont la liste sera fixée par arrêté, l’article L. 5213-4 du CSP prévoit une dérogation à cette interdiction de publicité pour « certains » dispositifs médicaux sous réserve que la publicité soit autorisée préalablement par l’ANSM (remplaçant l’Afssaps) :

« La publicité de certains dispositifs médicaux présentant un risque important pour la santé humaine et dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé est soumise à une autorisation préalable délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. (…) »

Une autre question se pose à la lecture de cet article : est-ce que les dispositifs médicaux concernés sont uniquement ceux qui ne sont pas « pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie » ?

Quels sont les dispositifs médicaux présentant un risque important pour la santé humaine dont les publicités pourront être autorisées par l’ANSM sachant que par principe la publicité destinée au public est interdite ?

L’appréhension de ce régime d’interdiction, assortie d’une exception et d’une dérogation est difficile et ne permet pas d’apprécier l’esprit qui a conduit le législateur dans la mise en place de ces règles. Même si un certain nombre de précisions seront apportées par voie réglementaire et notamment par un décret et des arrêtés, le régime législatif encadrant la publicité des dispositifs médicaux n’est véritablement que peu intelligible.

Seul un lecteur, familier du régime encadrant la publicité des médicaments à usage humain, pourrait — peut-être — entrevoir un semblant de cohérence dans ce nouveau dispositif législatif.

En effet, la publicité pour un médicament à usage humain destinée au public n’est possible que sous certaines conditions et notamment si le médicament n’est pas remboursable par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Ce qui aboutit à une interdiction de principe de la publicité , à destination du public, des médicaments pris en charge par la sécurité sociale.

Par ailleurs, depuis la loi dite Bertrand, la publicité « auprès des membres des professions de santé habilités à prescrire ou à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice de leur art est soumise à une autorisation préalable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dénommée « visa de publicité” ».

Ainsi, le régime juridique encadrant la publicité des médicaments à usage humain distingue deux destinataires du message promotionnel à savoir : le public (patient) du professionnel de santé habilité à prescrire ou à dispenser ou encore à utiliser des médicaments.

Concernant le régime juridique des publicités pour les dispositifs médicaux, bien que la loi prévoit une interdiction de principe d’une part et une autorisation préalable d’autre part, elle ne distingue pas le destinataire du message publicitaire, se limitant à évoquer le « public » et n’invoquant nullement les professionnels de santé.

Est-ce un oubli ?

Les débats parlementaires abordent cette distinction de destinataires en comparant le régime juridique de la publicité des dispositifs médicaux à celui des médicaments à usage humain mais sans nous permettre d’affirmer véritablement le sens du terme « public » utilisé par l’article L. 5213-3 du CSP.

« M. Arnaud Robinet, rapporteur. (…) En ce qui concerne la publicité des médicaments à destination des professionnels de santé, elle fait l’objet d’un contrôle a priori, et non plus d’une simple obligation de dépôt a posteriori comme c’était le cas jusqu’à présent. Cela vaut aussi pour les dispositifs médicaux. » (Assemblée nationale, Lecture du 27/09/2011)

Nous pouvons également lire dans le rapport réalisé par M. Bernard Cazeau : « L’article L. 5213-3 prévoit que, tout comme les médicaments, les dispositifs médicaux pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie ne peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du public. » (Rapport n° 44 déposé le 19 octobre 2011)

Dans ces conditions, il est très difficile de faire cohabiter la lettre et l’esprit du texte sauf à extrapoler complètement sur la portée de dispositions législatives nouvellement adoptées et considérer que l’interdiction de principe posée par l’article L. 5213-3 du CSP ne concerne pas les publicités destinées aux professionnels de santé, qui devront, dans ce cas être autorisées préalablement par l’ANSM.

C’est une voie que je me garderai bien de prendre tant que le décret pris en Conseil d’Etat ne viendra pas préciser les modalités d’application du chapitre dédié à la publicité des dispositifs médicaux. Par conséquent, je serai bien incapable de me positionner sur la possibilité pour un fabricant ou distributeur français de dispositifs médicaux de conserver, à l’avenir, un site Internet présentant sa gamme de produits y compris à destination de professionnels de santé !

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