L’évolution de la définition des « recherches non interventionnelles »

Qui s’est réellement intéressé à l’évolution de la définition des « recherches non interventionnelles » en droit français depuis l’apparition de cette catégorie en 2004 ? A priori pas grand monde !

La définition d’une catégorie de recherche est pourtant primordiale pour pouvoir qualifier un protocole de recherche. Il convient de mettre en perspective les spécificités d’un protocole avec une définition juridique afin de le qualifier, et donc de déterminer son régime juridique.

Intéressons-nous donc aux évolutions de la définition des recherches non interventionnelle depuis son introduction en droit français en 2004 lors de la transposition de la directive 2001/20/CE.

 


1. Une évolution législative de la Loi Jardé avant même son entrée en application :

L’évolution de la définition de « recherches non interventionnelles » - Life Avocats

Force est de constater qu’entre l’adoption de la loi Jardé (5 mars 2012) et son entrée en application (18 novembre 2016), la définition des « recherches non interventionnelles » a sensiblement évolué. Cette modification a été opérée par l’Ordonnance n°2016-800, alors même que la loi Jardé n’était pas encore entrée en application.

La suppression de « sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance » pourrait paraître anodine, mais est en réalité fondamentale.

En supprimant ces termes, cela signifie qu’il est dorénavant possible de réaliser des actes ou procédures supplémentaires pour les besoins spécifiques de la recherche (tout ce qui n’est pas interdit est possible!) et donc de réaliser une intervention sur des personnes participant à cette recherche, sous réserve qu’elle ne comporte aucun risque ni contrainte (ajout opéré par l’Ordonnance de 2016).

En permettant de réaliser des procédures supplémentaires ou inhabituelles, il ne s’agit plus d’études purement observationnelles ou portant sur des données à caractère personnel, mais de réelles recherches interventionnelles.

L’aberration juridique consistant à considérer les « recherches non interventionnelles » comme une sous-catégorie de « recherche impliquant la personne humaine » a été finalement corrigée en toute discrétion par voie d’ordonnance avant l’entrée en application de la loi Jardé.

2. Les dispositions réglementaires oublient les « recherches non interventionnelles », préférant les « RIPH 3 » :

 

Ceci a été confirmé quelques mois plus tard lors de la publication de l’arrêté du 12 avril 2018, dont l’annexe 1 est venue fixer la « liste des actes ou procédures pouvant être réalisées dans le cadre d’une recherche mentionnée au 3° de l’article L. 1121-1 du CSP ».

Il est d’ailleurs intéressant de constater que dans la suite de ces textes, et de manière tout aussi discrète, le décret n° 2022-323 du 4 mars 2022 a procédé à un certain toilettage de la partie réglementaire du Code de la santé publique consacrée au RIPH.

 « Article 1 Le code de la santé publique est ainsi modifié : (…) a) Au premier alinéa, les mots :
« non interventionnelles » sont remplacés par les mots : « mentionnées au 3° de l’article L. 1121-1 » ; (…) d) Au dernier alinéa, les mots : « non interventionnelles » sont remplacés par les mots : « mentionnées au 3° de l’article L. 1121-1 » ; »

 

Il n’est donc aujourd’hui plus question de recherches non interventionnelles, mais de RIPH 3.

3. L’incapacité de reconnaître l’avènement des « recherches interventionnelles sans risque » :

 

Une fois encore, le pouvoir réglementaire a manqué une belle occasion de remettre de la logique dans l’encadrement juridique de la recherche clinique française.

Il lui suffisait de modifier la définition ainsi que le terme associé, qui serait devenu : « recherche interventionnelle sans risque ».

Visiblement mettre de la cohérence dans un cadre juridique est au-dessus des forces de ce pouvoir réglementaire ou s’agit-il tout simplement d’une incapacité à remettre en cause des concepts qu’il a lui-même développés ?

En conclusion, aujourd’hui tout le monde parle de recherches non interventionnelles et leur applique un régime juridique propre aux RIPH alors que ce régime juridique ne s’applique qu’à des recherches interventionnelles sans risque.

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Thomas ROCHE, avocat associé

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